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donné si peu de bonheur que vos regrets passeront bien vite…

— Plus vite que vous ne croyez !… Mais épargnez-moi vos exhortations, je vous prie… Je saurai fort bien…

Elle fait bonne contenance, et ne baisse pas les yeux… Mais, soudain, son ironie se brise dans un sanglot :

— Voilà… oui… c’est fini… Je m’y attendais… Mais je ne pensais pas que ce serait pour aujourd’hui… C’est fini !… Je vous ai aimé, je me suis donnée à vous, sans calculer, sans raisonner sur le bien et sur le mal, de tout mon cœur, et pour toujours… Et puis… j’ai eu ce petit enfant… Rappelez-vous ! comme vous aviez peur !… Et moi, je ne voyais pas le danger, ni la honte… Je ne voyais que ça : un enfant de vous !… Ah ! j’ai tout supporté, tout, ce que vous savez et ce que vous ne savez pas, les pires tortures de la chair et de l’âme, parce que je me disais : « Je l’aimerai tant ! Il me pardonnera de n’être que sa maîtresse… Il voudra m’aider, me consoler… Et, même séparée de lui, je ne serai plus seule… » Voilà ce que je me disais… Et maintenant…

— Josanne !

Il a un élan vers elle, aussitôt réprimé. Et, frappant le pavé de sa canne, il jure entre ses dents :

— C’est horrible, tout ça… J’ai passé une nuit atroce… J’ai cru que je n’aurais pas le courage de venir… Tout ce que tu me dis, je me le suis dit à moi-même… Je n’ai rien, rien à te reprocher… Je t’estime, au fond, plus que tu ne penses, et je t’aime