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Josanne frappait à la porte de Madeleine Foucart.

— Quoi ?… Que voulez-vous ? C’est exaspérant…

— Madame…

La directrice, assise dans un fauteuil anglais, derrière un bureau anglais, leva sa tête aux cheveux d’un roux foncé, aux yeux durs, aux lèvres molles. C’était une femme de quarante-cinq ans, un peu trop grasse, désirable encore et qui « se défendait ».

Sortie on ne savait d’où, enrichie on savait comment, elle avait fait de tout : des livres, de la peinture, une exploration au Spitzberg, du reportage à l’américaine. Elle avait dirigé un théâtre, fondé des œuvres charitables, ouvert des souscriptions pour des sinistrés — et, vers la quarantaine, elle s’était jetée dans le féminisme comme d’autres se jettent dans la dévotion.

Mariée avec Isidore Foucart, elle avait créé un journal de modes, la Parisienne, puis une petite revue, l’Assistance féminine, et deux ans plus tard, le Monde féminin, « le plus grand magazine de l’Univers ». Habilement, elle avait spéculé sur la curiosité des snobs et la vanité des gens célèbres. Les rédacteurs vantaient les bébés et les toutous, la charité élégante et les prouesses sportives, les vertus domestiques des reines, la modestie des poétesses, les mariages des comédiens. Dans le Monde féminin, toutes les femmes étaient jolies ; presque toutes étaient vertueuses ; tous les hommes étaient « talentueux » ; les plus rosses avaient des « âmes d’enfants ». Hommes et femmes, ils étaient tous riches ; ils exhibaient, dans des « intérieurs » suaves, des costumes du grand tailleur ou du grand couturier. Et leurs effigies, leurs biographies, tant de réclame et tant de gloire, allaient troubler le