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Josanne travaillait. Sa blouse de soie groseille, son col empesé, pâlissaient son joli visage… Joli ?… Qui sait ?… Un visage de moderne Parisienne, au petit nez frémissant, aux grands yeux, au front bombé sous la volute basse des cheveux sombres, — une figure comme Helleu les dessine, d’un crayon si vif et si libre, en trois tons de blanc, rouge et noir… On ne voyait pas les traits de Josanne : on voyait le sourire à fleur de lèvres, et le battement des cils, et la fossette du menton et l’enroulement soyeux du haut chignon romantique…

Elle posa sa plume, bâilla, regarda l’heure… La besogne banale l’ennuyait. Elle pensa à son mari qui, depuis quelques jours, était plus malade, à la note du pharmacien, au menaçant terme d’avril… Elle pensa que Maurice, à Bordeaux, l’oubliait. Deux lettres, en quinze jours !… Et la tristesse de vivre l’accabla.

Elle regarda le calendrier accroché dans un coin : « 21 mars »… Le printemps commençait… Elle se sentit plus triste encore. Elle n’aimait plus le printemps.

Comme elle se penchait pour ramasser une lettre, la soie trop mûre de sa blouse craqua. Elle se redressa, consternée, chercha l’accroc. C’était la couture de la manche qui avait cédé. Il faudrait donc acheter une autre blouse ? Celle-ci avait fait son temps… Josanne songea d’abord à réparer l’accident. Elle ferma la porte au verrou, prit du fil et une aiguille dans le tiroir de sa table, et, la blouse enlevée, elle examina la malencontreuse déchirure… Oui, cela pouvait s’arranger… Acheter une autre blouse avant la fin du