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nable !… Voudrais-je te faire du mal !… Recouche-toi !… calme-toi…

— Vas-tu me donner la clé, sacré tonnerre !

La lumière de la suspension, par la porte entr’ouverte, éclairait un peu la chambre, le chevet du lit sans rideaux, la forme maigre, aux grands bras, de l’homme irrité…

— Chut ! tu vas réveiller l’enfant ! dit Josanne, effrayée.

Elle ouvrit l’armoire, prit une clé derrière une pile de linge.

— Voilà… Fais ce que tu veux… Je ne serai pas responsable…

— Oui, s’il m’arrive malheur, tu t’en laves les mains !… Grand merci !…

Elle ne protesta pas. Depuis longtemps, elle subissait des scènes pareilles, qui se terminaient toujours de la même façon ! Après des cris, des violences, des menaces de « se f… par la fenêtre », Pierre s’apaisait, s’attendrissait, implorait le pardon de sa femme… Il criait qu’il lui devait tout, qu’elle était un ange, et lui une brute, qu’il l’adorait, qu’il ne pouvait se passer d’elle, mais qu’il ne lui serait pas à charge longtemps… il rappelait leurs fiançailles, le début de leur mariage… Quelquefois l’émotion de ces souvenirs gagnait la jeune femme… Et elle laissait dans chacune de ces crises un peu de cette énergie qui lui était si nécessaire… Pierre l’affolait, la détraquait…

Il avait eu, toujours, un caractère instable, inquiet, avec la crainte de maux imaginaires et la terreur de la mort… Sans cesse il modifiait son régime, refusant le lait, suspectant la qualité des aliments… Le bou-