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avait retenu le grand cri, qui lui montait des entrailles à la gorge, avec les houles de la douleur déchaînée… Mais tout de suite l’instinct défensif de la mère s’était éveillé.

« Je le sauverai… Je veux le sauver… Mon enfant, à moi, ne peut pas mourir… »

Et, dès lors, les conditions ordinaires de la vie avaient changé pour elle : elle n’avait plus éprouvé ni la faim, ni la fatigue, ni l’émotion, ni la conscience de sa souffrance : elle était entrée dans un cauchemar lucide, où elle agissait, comme une somnambule, sans hésitation, sans délibération, avec cette idée fixe et flamboyante dans les ténèbres de son âme, — que son fils, à elle, ne pouvait pas mourir.

Les crises moins violentes, s’espacèrent enfin, Claude parut s’assoupir, et Josanne, qui veillait depuis trois nuits, tomba dans le sommeil comme dans un gouffre. La tête renversée contre le dossier rigide du fauteuil, les bras abandonnés, son peignoir à peine croisé sur sa poitrine, elle ne sut pas qu’elle s’endormait. Noël lui mit un coussin sous la tête, une couverture sur les genoux, et il demeura, assis près d’elle, écoutant son souffle égal et le souffle précipite de Claude…

Le temps passa : autour de Noël, les choses changèrent de forme et de couleur ; une vapeur grisâtre baigna les coins obscurs de la chambre ; l’air sembla frissonner, ému par l’aube hivernale… Une raie bleue s’allongea entre les rideaux ; et la lampe, soudain pâlissante, comme touchée d’un souffle, palpita tragiquement, Noël l’éteignit…

La vie, dehors, s’éveillait, avec ses mille voix tristes,