Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/363

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Les heures sonnaient, une à une… Josanne et Noël, presque sans parler, observaient, soignaient l’enfant. Et Noël, par moments, s’étonnait d’avoir une contraction soudaine de la gorge, une chaleur humide aux paupières, lorsque la mère, attentive et muette, ne s’attendrissait pas.

Il ne disait pas : « Elle a du courage. » Il savait que ce courage n’était que le paroxysme du désespoir… L’extrême douleur avait paralysé la sensibilité de Josanne… Elle allait, venait, changeait les compresses de glace, épiait l’heure de la potion, et, quand la crise éclatait, elle se courbait toute sur le petit lit, couvrait Claude de ses bras, de sa poitrine, comme pour le reprendre en elle, dans son sein, dans ses entrailles… Pas une seule fois, elle ne prononça le mot qu’elle ne voulait pas entendre, qu’elle refoulait dans son esprit, le mot qui était encore pour elle quelque chose d’abstrait, un son vague et vain, qui ne représentait aucun fait réel ou probable, le mot qu’elle ne pouvait pas, qu’elle ne voulait pas associer dans sa pensée au nom chéri de son enfant…

Et pourtant elle sentait la menace… Elle l’avait sentie tout d’un coup, pendant que Noël et le médecin causaient dans la pièce voisine. Et, en regardant son petit, elle avait eu l’intuition que cette chose pouvait arriver, — cette chose qu’elle n’avait jamais redoutée et qui lui semblait possible pour les autres, — les autres mères, — mais pas pour elle !…

Alors, à cette minute-là, Josanne avait cru que le monde entier croulait autour d’elle, sur elle… Elle avait eu la sensation de l’écrasement accompli… Et, toute reployée, crispant ses doigts sur sa bouche, elle