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« Bocca baciata… Bouche baisée ne perd pas sa fraîcheur… » Je sais bien que ma petite amie a eu des amants avant moi, et ce que je m’en contrefiche ! Je n’ai pas l’intention de l’épouser, ma petite amie, et ça m’aurait gêné, là, en conscience, si je lui avais pris son capital.

Foucart s’écria ;

— Bersier, vous n’avez pas connu l’amour, mon petit !… N’est-ce pas, Delysle, ça se voit que ce gosse n’a pas connu l’amour ?… Attendez la quarantaine, mon petit Bersier ! Vous verrez ce qu’on devient quand une femme, pas plus jolie ou pas meilleure que beaucoup d’autres, vous tient sans qu’on sache comment ni pourquoi, par la couleur de ses cheveux et par l’odeur de sa peau ! Vous verrez si on ne grince pas des dents, de rage, à penser qu’un autre l’a eue… Et il n’y a pas de remède à cette maladie-là, car je ne considère pas le suicide comme un remède… Le suicide c’est un dénouement.

— Il n’y a pas de remède, dit Noël, quand on aime d’un amour seulement physique. Il faut rompre tout net ou attendre que le temps ait usé le désir… Mais quand on aime avec le cœur, il faut engager la bataille, se faire aimer plus que l’autre, si l’on peut ! s’imposer à la pensée constante, au désir constant de la femme, et qu’elle vous sente toujours là, même absent, toujours là, dans son esprit, dans sa chair… Et puis, un jour, — après bien des jours, — on s’aperçoit qu’on est seul en elle… On est devenu son passé, son présent, son avenir… Et, parce qu’elle a oublié, on oublie !…

— Euh ! dit Foucart, est-on jamais sûr qu’elle a