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il y a Manette, mon amie Manette de la Haute Mode !… Elle pleure tout le temps, et, nous, on se tord !… Venez donc, sauvage !

Blanche, blonde, décolletée jusqu’à la ceinture dans sa robe noire pailletée, Flory caressait Noël de son regard bleu, avivé de malice et de curiosité, provocant par instinct et prometteur par habitude. Adossé au mur du couloir, le jeune homme regardait cette charmante créature, que les gens frôlaient au passage, et coudoyaient, et tutoyaient presque… « Bonsoir, Flory !… Ça va bien, Flory ?… » Dans la familiarité des « confrères », Flory distinguait-elle la nuance un peu méprisante, le sans-gêne mal déguisé ? Comprenait-elle que ces « confrères » l’assimilaient aux actrices de demi-talent, aux poétesses ratées, aux écrivassières entretenues qui encombrent les abords de la littérature et du théâtre ? Sentait-elle que la « soiriste » du Monde féminin n’était et ne serait jamais qu’une « petite femme » ?

Noël la considérait avec une indulgence apitoyée… Elle était jolie. Sa « rosserie » n’était qu’une affectation. Il y avait peut-être, au fond d’elle, un grain de rêve et de tendresse qui ne germerait point et qu’elle-même ignorait… Et, comme tant d’autres femmes, elle « roulerait », d’amant en amant, petit corps délicat et souillé ; elle deviendrait une de ces anciennes beautés, dont la chair molle et le masque plâtreux, jusqu’à cinquante ans, jusqu’à soixante ans, s’exhibent dans toutes les fêtes parisiennes… Elle serait la « vieille « Flory, après avoir été la « petite » Flory… Pauvre fille !

— Alors, vous venez ?