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demanda « madame Josanne » pour un renseignement… Josanne ne put refuser de la recevoir, dans le vestibule, parmi les gens affairés, les battements de portes et les sonneries téléphoniques. C’était madame Grancher.

Le temps n’est plus où la petite bourgeoisie et même la grande affectaient un peu de mépris et beaucoup de méfiance pour les « auteurs », et surtout pour les auteurs femmes. Depuis que des gens de lettres ont fait fortune, la littérature est honorée comme un « bon métier, qui rapporte ». Et madame Grancher, ayant lu des articles de Josanne, ressentait quelque petite fierté de connaître « un auteur », et elle racontait avec plaisir qu’elle avait rendu de grands services, naguère, à cette pauvre madame Valentin, — une femme supérieure, dont elle annonçait toujours la visite, et qui n’arrivait jamais.

Josanne démêla, dans les discours et les invitations flatteuses de la dame, ce « snobisme » naïf, et ce forcené désir d’exhibition. Elle s’excusa poliment et froidement. Alors madame Grancher fut prise d’un vif amour pour le petit Claude et souhaita qu’il vînt goûter chez elle, avec ses petits-fils. Josanne refusa encore.

Dans le courant de janvier, madame Grancher fit une seconde démarche : cette fois, elle voulait absolument inviter Josanne à un dîner intime, avec sa fille, les Malivois et quelques amis. Madame Valentin ne serait-elle pas contente de revoir son ancienne élève, et l’ancien patron de son mari, et de reparler du temps passé ?… Non, madame Valentin ne tenait guère à reparler du temps passé… Elle répéta qu’elle