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hors, la pluie redoublait. L’eau giclait sous les pieds de Josanne, alourdissait le bas de sa robe. Noël essayait vainement de protéger son amie. Il cherchait un fiacre et n’en trouvait pas.

— Mon Dieu ! dit-elle tout à coup, déjà dix heures !… C’est horrible de nous quitter comme ça !

— Nous quitter ?… Crois-tu que je puisse te quitter ce soir ?… Je ferai arrêter la voiture à un bureau de télégraphe, et je te ramènerai chez moi, chez nous… Donne-moi le bras, chérie, appuie-toi bien…

Josanne mit sa tête contre l’épaule de Noël, et tout bas, et passionnément, comme pour elle-même, elle murmura :

— Mon bien-aimé…


Ils retrouvèrent la chambre telle qu’ils l’avaient laissée, dans le désordre du départ. Le reflet électrique palpitait au plafond, les cuivres du lit brillaient dans l’ombre.

La bougie éteinte, Noël prit Josanne dans ses bras pour la réchauffer. Une émotion ineffable faisait hésiter son désir. Entre les lourds rideaux tirés, le reflet glissait encore, tendait un fil de clarté mouvante. Et Noël devinait les cheveux épandus de Josanne, ses yeux clos, sa bouche entr’ouverte, tout ce pâle visage où l’extase amoureuse mettait la sérénité de la mort.

On entendait la pluie sur les carreaux, le roulement lointain d’un fiacre, le rythme d’une machine à travers les murs. Soudain, bruits et lueur s’évanouirent, La pluie même avait cessé. La chambre fut muette et noire comme un tombeau et les amants, sentant la nuit les saisir, se pressèrent l’un contre