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la même femme qui détestait, maintenant, d’une âme sincère, ce passé où Noël n’était pas.

Il éprouva une grande joie, une pitié plus grande. Il voulut défendre Josanne contre elle-même, lui dire son estime pour elle, et son respect… Mais, quand il voulut parler, les mots lui manquèrent : ses yeux se remplirent de larmes.

Il contemplait Josanne : elle était moins fraîche et moins jeune que les autres jours ; son visage gardait des traces de fatigue et n’avait plus d’autre beauté que l’expression admirable du regard. Mais Noël ne se demanda pas s’il eût aimé la Josanne de dix-huit ans. Il aima celle qui était devant lui, la vraie Josanne, la sienne, telle que la vie l’avait faite. Il aima les yeux qui avaient pleuré, les lèvres qui avaient gémi, les mains qui avaient travaillé, le cœur qui avait eu des victoires et des défaites, et qui s’était formé, lentement, pour le plus grand amour, dans l’erreur et dans la souffrance.

Il lui sembla que son âme s’élevait au-dessus de l’orgueil et de la violence, jusqu’à la sérénité d’un sentiment éternel… Il lui sembla qu’il commençait seulement d’aimer Josanne.

— Laisse le passé, ma chérie… S’il n’existe plus pour toi, il n’existe plus pour moi. Tu as exorcisé le fantôme… N’en parlons plus et n’y pensons plus. Vivons notre vie…

Étonnée, Josanne le regarda…

— Viens ! mon amour !… dit-il. Tout le monde est parti… L’heure avance.

Elle se leva, tira sa voilette jusqu’à son cou et rassembla les pans de son écharpe. Ils sortirent. De-