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près du kiosque… Un soir de la semaine précédente, Noël l’avait attendue là.

Elle pensait à lui avec amour et avec crainte. Sa volonté oscillante était comme un poids suspendu en elle, dont elle ressentait tous les chocs… Oui ?… Non ?… Pourtant, elle n’était pas lâche. Elle avait couru un grand risque et connu de pires angoisses, le soir du terrible aveu… Mais alors elle évoquait un fantôme. C’était un homme, maintenant, qui menaçait de rentrer dans sa vie, qui rentrait déjà dans sa pensée…

Non ?… Oui ?… Elle se décida tout à coup : « Eh bien, non !… » Et, d’un pas lent, la tête un peu courbée, le cœur étreint de remords et d’appréhension superstitieuse, elle arriva enfin chez Noël.

Lui-même ouvrit la porte. Il était seul, ayant congédié son domestique. Les meubles avaient des housses, les tableaux et les miroirs étaient voilés, les parquets nus, les rideaux tirés sur les fenêtres. L’appartement sonore et sombre s’emplissait de silence et de soir.

Dans la chambre jaune, le beau reflet des stores s’éteignait. Noël ne voulut pas allumer la lampe.

— Comme tu viens tard ! dit-il. Je ne veux pas te gronder… C’est une soirée d’adieu… Il faut qu’elle soit douce, sinon joyeuse… Mais qu’as-tu ?

— Rien…

— Tu es triste ?

— Je suis triste parce que tu t’en vas…

— Veux-tu que je reste ?

— Quelle idée !… Tu as prévenu ton père.