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l’appela d’un grand cri muet… Puis Josanne se ressaisit, elle murmura :

— Allons !… allons !…

Assise sur sa chaise, le front dans les mains, elle se contraignit à la réflexion. Pourquoi cette visite imprévue ?… Elle se rappela, non sans effort, la dernière conversation qu’elle avait eue avec Maurice… Il l’avait sentie faible encore, et elle-même, imprudente, avait accepté l’hypothèse d’une seconde entrevue, — plus tard, beaucoup plus tard, dans une circonstance grave… Restriction puérile ! On crée toujours la « circonstance grave », lorsqu’on en a besoin…

Maurice n’avait plus donné signe de vie, pendant huit mois… « Huit mois seulement ! pensait Josanne. Comme tout cela me paraît lointain, irréel !… » Son trouble s’apaisait. Elle constatait, avec surprise, que ce grand trouble était tout physique, un simple réflexe nerveux, très différent de l’émotion qu’elle avait éprouvée en revoyant Maurice, sur le bateau, en l’écoutant, place du Carrousel… Et elle sourit, encore étonnée, craintive encore :

« Suis-je sotte, tout de même !… J’ai eu peur !… Peur de quoi ?… Maurice ne peut me faire aucun mal… S’il vient, je ne le recevrai pas… S’il m’écrit, je ne lui répondrai pas… ou bien je le prierai de me laisser tranquille… Ah ! je n’ai pas la moindre envie de le revoir !… Mais pourquoi cette visite ?… »

Était-il arrivé malheur à la jeune madame Nattier ?… Maurice, veuf et libre, espérait-il reconquérir Josanne ?… Connaissait-il, par des racontars, la liaison de Josanne et de Noël ?… Se croyait-il encore aimé ?