Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/323

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le groom posa sur la table un paquet de lettres et de journaux, puis il sortit.

Devant la glace de la cheminée, Josanne rajusta sur sa blouse noire le col de fin linon brodé, mit un peu de poudre à ses joues qui gardaient des traces de larmes et soupira :

— Travaillons !…

Répondre aux correspondances du Magazine, corriger les épreuves des réclames, cette besogne banale la distrairait peut-être de sa mélancolie. Debout près de la table, elle ouvrit quelques lettres, déchira la bande d’un journal, jeta au panier les prospectus et les enveloppes…

Cette carte de visite !…

Josanne avait négligé de la regarder tout de suite, cette carte qui portait le nom de Maurice Nattier… Maintenant, elle restait clouée sur place ; ses mains tremblaient, ses jambes tremblaient, son cœur ne battait plus… Quand il se remit à battre, ce fut à coups pesants, qu’elle sentait jusque dans sa gorge, jusque dans sa tête…

Elle dit tout haut :

— Ah ! mon Dieu !…

Elle regarda autour d’elle, comme pour s’assurer qu’elle était bien seule et que Maurice Nattier n’allait pas surgir devant elle… Lui !… Il était venu !… Il reviendrait sans doute !… Lui !… Les yeux fermés, elle le revit, svelte et blond, avec son sourire, sa voix qui disait : « Josanne !… »

Elle eut un mouvement de recul, un geste de ses bras tendus pour repousser quelque agression mystérieuse, et toute son âme éperdue se rejeta vers Noël,