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reux, et elle eut la sagesse — qu’elle n’avait pas toujours — de se montrer douce et conciliante.

Mais lui, sa colère tombée, conservait une âcre tristesse… Lui qui était, avant tout, un amant, il ne comprenait pas Josanne… La dissociation de l’amour et de la maternité lui paraissait invraisemblable. Josanne n’avait-elle pas cherché, habilement, à réfuter son propre aveu : « Il y a des femmes qui aiment dans l’enfant le père de l’enfant» ?… Non, elle était loyale… Elle exprimait sa pensée du moment, et elle ignorait peut-être son arrière-pensée.

Sentiments de femme, de mère, d’amante ; sentiments qui se mêlaient, qui se contredisaient, qui auraient dû s’exclure, et subsistaient pourtant, — c’était, pour Noël, la nuit et l’abîme !

Son intelligence s’affolait devant le mystère du cœur féminin, aussi obscur, aussi mal connu, aussi inquiétant pour l’homme que le mystère du corps de la femme…

« Et ce sera ainsi toujours, pensa-t-il, toute notre vie… tant que cet enfant nous séparera, par sa présence, par son existence, par l’image et le nom qu’il évoquera, par ce sourire qui n’est pas le sourire de Josanne… par tout ce qui reste, en lui, de l’autre. — du père !… Qu’un enfant naisse de nous, Josanne l’accueillera avec une joie troublée, une appréhension… Elle aura peur qu’il ne rogne la part du premier… Si elle perdait Claude, alors peut-être… »

Noël n’osait achever sa pensée.