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la même chose… J’ai besoin de baisers et de caresses, parce que je suis jeune et ardente, comme toi. Mais je ne les goûte que dans l’amour, et il ne me suffit pas d’être désirée… Je veux être aimée, aimée uniquement… Si tu me reprenais ton cœur, je ne pourrais plus t’appartenir… J’aurais horreur de ton étreinte… »

Cette fois encore, elle n’osa point parler. Après quatre ans d’intimité physique, elle conservait ces gênes secrètes, ces pudeurs d’âme qui s’évanouissent seulement dans l’amour heureux. Elle se surveillait ; Maurice se défendait : la volupté seule leur donnait l’illusion, trop brève, de l’harmonie sentimentale. Ils étaient amant et maîtresse : ils n’avaient pas su être amis.

Soudain, prenant le bouquet de violettes à sa ceinture, elle le pressa contre sa bouche, puis contre la bouche de Maurice :

— Prends… Tu garderas ces fleurs dans ta poche, ce soir, et tu les toucheras de temps en temps, et tu sentiras mon baiser au bout de tes doigts.

— Oui, ma jolie… Quelles gentilles pensées tu as toujours !

Elle souriait doucement.

— Tu dînes chez Lamberthier ?

— Oui. Nous causerons d’une grosse, grosse affaire, très compliquée, très ennuyeuse, qui m’obligera peut-être à quitter Paris… oh ! pas pour longtemps.

— Explique-moi.

— Tu n’y comprendrais rien.

— Mais si !

— Mais non ; il s’agit d’un pont qu’une compagnie