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la femme, c’est la peur du néant, c’est le vague espoir de durer. Chaque étreinte féconde est une victoire sur la mort.

» Vivre, survivre !… La langueur du soir, la beauté de ma maîtresse et tout ce que les raffinements de la sensibilité et de l’intelligence ajoutent d’exceptionnel à notre amour, tout cela émeut donc en nous, à notre insu, l’instinct de perpétuer la vie ! Je mourrai. Josanne mourra… Et peut-être, dans cent ou deux cents ans, des êtres de notre race goûteront la douceur d’aimer, — et il y aura de la beauté, de la joie, de la passion, des vies fleurissantes, parce qu’en un soir délicieux d’un autre siècle, nous nous serons aimés, nous, les morts… »

Et cette pensée l’émut comme s’il découvrait le sens véritable de l’amour. Il vit la nuit d’août, telle qu’une fête sacrée où tout un peuple à venir frémissait aux flancs des femmes. Il songea aux chambres closes, aux lampes voilées, aux lits profonds, aux milliers d’êtres qui seraient conçus avant l’aube… Il y songea très chastement, et, pour la première fois, il évoqua dans son âme, l’être mystérieux qui naîtrait de Josanne et de lui…

Il le vit sur les genoux et contre le sein de Josanne… Mais tout à coup, une image s’interposa : l’autre enfant, Claude ! Celui-là aussi perpétuerait la race paternelle et maternelle… et, parce que Josanne avait aimé un homme, leur amour se prolongerait dans leur descendance…

Noël éprouva une souffrance aiguë, puis un sentiment de colère impuissante… « Et j’ai cru ! se dit-il, j’ai cru que ma jalousie s’apaisait ! Je me savais