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quoi ?… Il n’était pas un déséquilibré, un névropathe ! Il n’avait pas le goût morbide de sa propre douleur. Il était un homme normal et sain. Mais il était aussi un chercheur d’absolu, un imaginatif, un orgueilleux qui ne savait pas se résigner… Puisqu’il ne pouvait posséder Josanne dans le passé, il rêvait d’anéantir en elle jusqu’au souvenir du passé ; il voulait, au moins, dans le présent, la posséder tout entière… Et parfois, à voir cette femme si ardente aux caresses, décelant ingénument son expérience de l’amour, il éprouvait un accès de rage froide, lucide et furieuse… Glacé par un mot ou un geste d’elle, il sentait son cœur s’arrêter…

Il l’eût broyée, dans ces instants où il guettait sa pensée secrète, la réminiscence qu’une sensation reconnue peut éveiller, où il redoutait peut-être que Josanne pût l’oublier en lui appartenant.

Longtemps il avait souffert… Josanne, enfin, avait compris le secret de cette souffrance. Elle ne mentit point à Noël pour l’apaiser, mais comme Noël autrefois l’avait conquise, jour par jour, lentement, elle acheva de le conquérir. Elle n’apporta pas, dans cette œuvre délicate, les vains scrupules d’orgueil qui créent parfois, entre deux amants, d’irréparables malentendus. Née pour l’amour, elle le comprenait et l’acceptait tout entier, et elle lui était indulgente. « Certes, pensait-elle, les gens raisonnables, qui ont la tête froide et les sens rassis, les gens qui n’ont pas aimé, diraient que Noël est bien dur, et que je ne suis pas fière, et que tout cela finira mal… « Cette idée la faisait sourire… Josanne avait confiance en elle-même, en son ami, en l’avenir. Elle devinait que les violences et les