Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/298

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rire, aux paroles de Noël, — qu’elle n’entend pas. — Elle a, devant la réalité si proche, une bizarre impression de crainte et d’incrédulité, comme naguère, au matin de son mariage…

Pour l’amant, pour l’amour, elle s’est parée : sa robe de mousseline mauve, presque rose, prête à sa blancheur de brune le beau ton doré d’un fruit mûr. Son chapeau de paille souple, noué de velours noir, ondule et s’évase comme une grande cloche de liseron. Une fleur d’argent ferme sa ceinture. Sa main, où ne brille plus la bague nuptiale, joue distraitement sur la table, marque le rythme de la valse… Sol, sol, do, … le manque… La mélodie blessée tombe, se relève et repart en sautillant… Noël ne parle plus…

De quoi parlait-il ?… Josanne se souvient… Il parlait des amours cachées, furtives, qui se meurtrissent à des obstacles… Il disait :

— Je n’aurais pas accepté… Je n’aurais pas supporté…

Ses yeux, verdis par l’ombre du feuillage, expriment une résolution violente, mesurent et défient l’obstacle imaginaire… La jeune femme murmure :

— Pourquoi penser à cela ? Nous sommes libres… Il n’y a rien entre nous.

— Il n’y a rien.

— Et s’il y avait quelque chose…

— Je casserais tout.

Il fait le geste de briser une chaîne… Oui, certes, en ce moment, il « casserait tout », tout ce qui prétendrait l’éloigner de Josanne !… Elle pense qu’il est capable des pires folies, l’amant qui la regarde avec ces