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— Eh bien, non… Je n’avais pas beaucoup l’instinct maternel…

Et soudain :

— C’est affreux, ce que vous faites… Vous me tendez des pièges ! Vous me feriez regretter ma sincérité !…

— Croyez-vous donc m’apprendre quelque chose !

— Alors, pourquoi m’interrogez-vous ? Pour m’éprouver ?… Pour souffrir un peu plus ?…

— Un peu plus, un peu moins, qu’importe !… J’ai l’habitude, maintenant !

— Hélas ! dit Josanne en pleurant, rien ne vous consolera. Votre raison même ne vous est d’aucun secours contre votre passion jalouse… Et je doute que nous soyons jamais heureux !

Noël, ému par les larmes de Josanne, s’efforça de la rassurer ; mais, ce soir-là encore, ils se quittèrent dans la mélancolie et le malaise.

Il s’en alla, par la nuit chaude et pluvieuse. Découragé, mécontent de Josanne et de lui-même, peu lui importaient les longueurs du retour solitaire. Il n’avait point de hâte d’être chez lui… Parfois, à un carrefour désert, une ombre se détachait de la muraille, sous quelque lanterne d’hôtel meublé… Une fille en cheveux appela Noël à mi-voix… Une autre le suivit, l’accosta. Il l’écarta doucement. Des paroles de Josanne lui revenaient à l’esprit :

« Si bas que tombe une femme, un homme, presque toujours, est responsable de sa déchéance… »

Noël songea que Josanne avait un sentiment très vif de la solidarité féminine, et qu’elle était, sans fausse honte et sans dégoût, pitoyable à ses sœurs malheureuses, indulgente à ses sœurs avilies…