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l’exécrait davantage !… Et quel désir il avait de le connaître, pour ne plus le soupçonner partout ?… Que de fois, en écoutant Josanne, il guettait le nom qu’elle prononcerait peut-être, par hasard, — mais non pas sans que Noël en fût averti par une intuition infaillible, — le nom dont il savait seulement les initiales, — M. N…, — le nom qui était, dans la mémoire de cette femme, comme une chose vivante et cachée, qu’elle garderait, là, jusqu’à sa mort…

Ce nom, Noël le poursuivait, le traquait, l’attendait… sur un feuillet de livre, sur l’une de ces vieilles cartes postales illustrées dont s’amusait le petit Claude, sur les lèvres de Claude lui-même qui pouvait, peut-être, se souvenir… Quand Noël parlait à son amie des gens qui approchaient le Monde féminin, il épiait la palpitation des cils, la contraction de la bouche, la pâleur révélatrice de Josanne au choc imprévu de ce nom…

Rien… Elle ne se trahissait pas. Elle ne livrait aucun indice, et aux allusions, aux questions indirectes de Noël, elle répondait :

— Je vous ai dit l’essentiel… Que voulez-vous savoir de plus ?… Vivons dans le présent et laissons mourir le passé…

— Mais je ne suis pas très sûr que vous viviez dans le présent, que vous ayez tout oublié…

— J’oublierai… J’oublie…

Elle ne disait pas : « J’ai oublié… » et Noël pensait :

« Elle n’oubliera pas… Elle a trop aimé l’autre… Que n’a-t-elle pas supporté, de lui ?… Que n’a-t-elle pas fait à cause de lui ? L’enfant, — leur enfant ! —