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De bonne foi, il se croyait guéri… Mais, le lendemain, une réticence de Josanne, un nom de rue ou de ville qu’elle citait, une phrase lue dans un roman, un banal « fait divers », le sourire du petit Claude, — ce sourire qui n’avait ni le dessin ni l’expression du sourire maternel, — le moindre incident mettait au cœur de Noël une gêne sourde, un poids, puis, tout à coup, le déchirement d’une plaie rouverte… Il se maîtrisait pourtant. Il observait Josanne ; il l’interrogeait, avec quelle angoisse ! et de tout ce qu’elle disait, de tout ce qu’elle taisait, il se créait des raisons de souffrir…

Il connut les troubles, les cauchemars, l’insomnie fiévreuse où la pensée oscille, comme la flamme de la bougie au vent de la fenêtre, quand un souffle de folie passe, dans le cerveau enténébré. Il connut l’insomnie lucide, où l’on examine, pèse, contrôle, analyse les plus petits faits pour y découvrir un motif de crainte ou d’espérance…

« Pourquoi ne suis-je pas jaloux du mari ? se demandait-il. Josanne a eu de l’affection pour ce Pierre Valentin, et même, au début, un peu d’amour ? Pourquoi ma jalousie s’attache-t-elle à l’autre, et à tout ce qui vient de l’autre ?… C’est que je puis me représenter le mari de Josanne, et les sentiments qu’elle avait pour lui, sans redouter aucun regret, aucune comparaison, aucune préférence rétrospective… Tandis que l’autre, j’ignore tout de l’autre… Pourquoi l’a-t-elle aimé ? Il ne me ressemblait en rien, dit-elle… Pourquoi m’aime-t-elle, moi ?… »

Il évoquait une vague forme masculine, dont les traits physiques, tout différents de ses traits, à lui,