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— Ma pauvre chérie !…

— J’ai eu la nostalgie du bonheur… et j’ai cru le rencontrer… Un jeune homme m’a aimée… Il était spirituel et semblait tendre… J’ai cru, et tout, tout m’autorisait à croire qu’il serait, dans ma vie obscure et triste, une lumière, une douceur, un repos… J’ai cru que j’appuierais ma faiblesse à sa force : — car la femme la plus énergique a des jours de faiblesse. J’ai cru… Hélas !… Vous devinez le reste !… J’ai eu quelques mois de bonheur… Puis cet enfant est venu… Et mon… mon ami a eu peur des complications, des drames, que sais-je ?… Après des ruptures et des reprises, il a cédé à des préjugés… à des remords… à l’influence de sa famille… Nous nous sommes séparés… Et il était fiancé, quand je suis devenue veuve… Noël, tout cela vous fait souffrir !…

— Ne parlons pas de moi, ne parlons plus de lui… Parlons de vous ! Vous seule m’intéressez, vous, vos idées, vos sentiments… Que votre volonté de sacrifice ait fléchi, que vous ayez cherché l’amour, cela ne m’étonne pas, Josanne… Et même, je dirai que cela ne me scandalise pas… Mais comment, avez-vous pu, vous, vivre dans ce mensonge ?… Et n’en pas souffrir davantage ?… car il ne semble pas que vous en ayez beaucoup souffert… Vous acceptiez la situation… et ses conséquences…

— Qu’auriez-vous donc fait à ma place ? dit-elle en sanglotant. Vous auriez pu vous marier, tout jeune, comme je l’ai fait, et vous trouver, quelques années plus tard, lié à une femme infirme, aigrie, exigeante ; si vous aviez cessé de l’aimer, lui seriez-vous demeuré fidèle par devoir ?… Vous avez