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pieds foulaient le parquet de marqueterie aux losanges luisants, les tapis de Perse jetés devant la cheminée et devant la table. Partout ses yeux rencontraient des meubles aux lignes simples, — bois patinés, vieil acajou pourpre ou vieux bois de rose ; — des étoffes lourdes, dont les colorations allaient du roux au mordoré. Toute la vaste pièce était ainsi, sombre et chaude au regard, dans une harmonie brune et fauve qui faisait songer au cuir précieux, à l’or effacé des belles reliures anciennes. Aucun bibelot banal. Des armes, quelques cuivres, des photographies rappelant un site célèbre où un incident de voyage, une lithographie de Fantin-Latour, un fusain de Prudhon, et, sur la cheminée, une réduction en bronze du Colleone de Verrochio. Un peu partout, des journaux, des livres, et le parfum du « maryland » sur tout cela…

Josanne respirait ce parfum ; elle touchait les choses tièdes encore de la vie de Noël, ces choses qu’il avait rassemblées peu à peu, qu’il aimait, qu’il maniait chaque jour. Et de l’imaginer assis à ce bureau, près de cette lampe, la plume aux doigts, la cigarette au coin des lèvres, tel qu’il était pendant les heures laborieuses, Josanne éprouva un tel paroxysme d’amour, de douleur, de folie, qu’elle n’entendit pas la porte s’ouvrir.

— Josanne !… Il y a longtemps que vous êtes là ?… Pourquoi n’avoir pas dit qu’on me réveillât tout de suite ?

— Vous étiez fatigué, sans doute… Je n’osais pas…

— Oh ! mon amie, mon amie chérie, comme vous