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vreux… Avait-elle rêvé ?… Non, ce n’était pas un cauchemar, la terrible scène de la veille. Cette chaise, Noël l’avait déplacée. Ce coussin avait glissé à terre, et il y avait sur la natte japonaise, un petit peigne d’écaille brune, tombé des cheveux de Josanne quand elle s’était presque évanouie… Elle faillit marcher dessus, le ramassa, le regarda sans penser à rien…

Dans le cabinet voisin, son fils, réveillé, se mit à rire.

Ce rire pur, qui, chaque matin, appelait le baiser maternel, retentissait douloureusement dans l’âme de Josanne. Elle songeait :

« Tu me coûtes cher, mon petit Claude !… Et pourtant je t’aime !… Je ne t’aime pas moins qu’hier. »

Sa pensée alla vers Maurice, se chargea de rancune et de haine.

« Ah ! lui… lui !… Il n’aura donc apporté dans ma vie que du malheur et du malheur !… Car, maintenant, je serai toujours malheureuse, et Noël avec moi… Il m’eût pardonné l’amant, — mais l’enfant ?… Jamais il ne supportera que Claude demeure entre nous. Claude, image vivante de ce passé dont il souffre… Et pourtant, je ne peux exiler mon fils de ma maison, de ma vie… Je ne peux pas choisir entre Claude et Noël : c’est une alternative abominable !… Noël accepterait bien que je garde, que j’élève, que j’aime l’enfant de mon mari ; pourquoi ne peut-il accepter !… Ah ! les préjugés de l’homme, l’orgueil de l’homme !… La jalousie plus forte que l’amour ! … »

Sa tendresse pour son fils, noyée dans le grand flot de la passion, se ranimait, plus vive d’être menacée, Josanne hésitait à croire que Noël lui impo-