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— Et vous la voyez encore ?… Il ne me semble pas que vous m’ayez jamais parlé d’elle…

— Je l’ai rencontrée par hasard. Je ne l’avais pas vue depuis trois ans.

— Et vous avez parlé du passé, naturellement ?

— Naturellement…

— Et cela vous a rendue triste… Ne le niez pas… Moi qui me promettais tant de joie de notre réunion, j’ai eu, en vous voyant, l’intuition, la certitude que vous étiez préoccupée d’autre chose, et que ce moment si doux était gâté… Je n’osais pas vous interroger, d’abord. Mais mon inquiétude a été plus forte que ma volonté de discrétion… Vous me comprenez, vous m’excusez, Josanne ?

C’est la première fois qu’il appelle Josanne par son prénom, et cette familiarité leur paraît, à l’un comme à l’autre, toute naturelle. La jeune femme répond :

— Je ne nie pas. Vous avez bien deviné… Oui, madame Grancher m’a parlé d’un temps lointain où j’étais bien malheureuse et…

Elle achève, plus bas, comme à regret :

— Et bien folle…

Noël a un tressaillement léger.

Il fait :

— Ah !…

Ses yeux clairs se durcissent. Il tourmente sa moustache, et il murmure :

— Vous m’avez promis de me dire… bientôt… l’histoire de ce temps-là… Oh ! pas maintenant… Il faut vous reposer, vous installer, reprendre votre vie… notre vie… et puis, un jour, un jour tout proche,