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libre de la société, la famille, les mœurs, la religion… Trop tard !… Si toutes les travailleuses ne sont pas des affranchies, toutes, déjà, sont des rebelles… Rebelles à la loi que les hommes ont faite, aux préjugés qu’ils entretiennent, à l’idéal suranné qu’ils imposent à leurs compagnes… Les femmes ont rompu le fil de laine que filèrent les aïeules et qui, si léger, fut parfois si lourd aux âmes mal résignées : elles ont laissé la quenouille, l’aiguille et le miroir — et avec eux les vertus passives et les vaines frivolités. Elles ne pensent plus qu’il suffise d’être une femme chaste pour être une honnête femme, et elles ne se croient pas déchues parce qu’elles ont aimé plusieurs fois…

» On voit s’ébaucher déjà cette morale féminine qui ne sera plus essentiellement différente de la morale masculine. La femme, que le christianisme a lentement façonnée au sacrifice et à la résignation, commence à se croire dupe. Dieu ne la console plus ; l’homme ne la nourrit plus. Il lui faut compter sur elle-même, et, puisque le travail, bon gré mal gré, l’a faite libre, elle réclamera bientôt tous les bénéfices de la liberté.

» Les termes du contrat conjugal seront changés par cela même que la femme pourra vivre sans le secours de l’homme, élever seule ses enfants. Elle ne demandera plus la protection et ne promettra plus l’obéissance. Et l’homme devra traiter avec elle d’égal à égale — disons mieux : de compagnon à compagne, d’ami à amie. — Leur union ne subsistera que par la tendresse réciproque, l’accord toujours renouvelé des pensées et des sentiments, la fidélité libre et volontaire, et cette parfaite sincérité qui permet l’entière confiance. Déjà les ménages sont nombreux où le mari