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lait en attendant le courrier, Josanne éprouvait tout à coup la détresse physique de l’exilé, une sensation d’obscurcissement et d’asphyxie. Noël n’avait pas répondu à sa dernière lettre, — à cette lettre qui annonçait, préparait une confidence devenue nécessaire !…

« Rien ce matin, rien à midi !… J’aurai un billet à six heures, peut-être… Sinon, j’enverrai un télégramme à Noël. Je ne peux pas rester sans nouvelles de lui. Est-il malade ? A-t-il quelque chagrin ?… Il est seul. Qui le soignerait ? Un domestique. Qui le consolerait ?… Personne… Mon pauvre ami !… »

Elle ne supposait pas que Noël pût avoir des peines de cœur, ou ce qu’on appelle vulgairement « des histoires de femmes »… Cette hypothèse déplaisante ne se présenta même pas à son esprit. Josanne avait l’intuition que Noël Delysle était à elle, et ne pouvait être heureux ou malheureux que par elle… Et pour s’expliquer le silence du jeune homme — ce long silence de vingt-quatre heures ! — elle n’imaginait rien d’autre qu’une indisposition subite, des soucis professionnels, la maladie d’un parent.

Mais, quoi que Josanne soupçonnât, d’heure en heure son impatience devenait de l’anxiété… Elle essaya de coudre : à chaque instant elle se piquait les doigts. Elle essaya de lire : le livre glissa sur ses genoux. Alors elle se représenta Noël obligé de partir, en mission officielle, pour un pays lointain, — le Japon ! — Et cette idée invraisemblable, qu’elle repoussait, la harcela, s’implanta en elle.

« C’est absurde !… Il ne peut pas être obligé de partir !… Il ne veut plus s’en aller, maintenant !…