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autres, je me trouve, souvent, toute gauche et sotte devant vous, qui êtes mon seul ami !… C’est ridicule, j’en conviens… Ne vous moquez pas de moi ! Je sentirais votre ironie, à distance, et je ne vous écrirais pas, demain soir, pour vous punir…

» Voici l’heure du dîner. Ma tante me réclame. Je reprendrai ma lettre avant d’aller dormir… »

Dix heures.

« … Je m’étais assise, tout à l’heure, devant le bureau d’acajou qui contient ce que j’ai de plus précieux : — quelques souvenirs de famille et notre correspondance. (J’ai emporté vos lettres avec moi, toutes, celles de Florence, de Rome, de Naples et de Paris…) Et j’allais vous écrire je ne sais plus quoi de très gentil quand mon petit garçon m’a appelée… Je me suis approchée de son lit ; j’ai mis ma main sur ses cheveux et je l’ai vu se rendormir. J’étais, en le regardant, tout émue et pourtant mon âme, le fond de mon âme était paisible… Comme ils sont loin les jours où je pleurais près du berceau de Claude !… Tout est changé…

» Dix heures sonnent, et j’entends que monsieur le chanoine s’en va… Ma tante lui demande s’il veut une lanterne pour descendre les « tertres «, ces ruelles en pente raide qui conduisent les gens distraits — les ivrognes et les amoureux — droit à la rivière. Le chanoine refuse : « J’ai la lanterne de la sainte Vierge, au ciel… » Et il part, enchanté de son mot, guidé par la lanterne blanche de la pleine lune.

» Et maintenant, c’est le silence. Je suis toute seule avec vous.