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sur la table, sur le tas mêlé des journaux et des enveloppes…

La lettre de Josanne est là…

Chartres, 15 mai, 19..

« Mon ami, je pense à vous, avec une inquiétude singulière. Votre lettre d’hier était un peu mélancolique. Vous parliez d’ « heures gâchées » et de « sottes faiblesses », et j’en ai conclu que vous ne travaillez guère, que vous perdez votre temps et que vous êtes mécontent de vous même. Si j’osais, je vous gronderais ! Non, je vous dirai seulement que je suis très sensible à ce qui vous touche, que je fais ma joie de votre joie et ma peine de votre peine, et que je ne serais jamais heureuse si vous étiez malheureux… N’est-ce pas tout naturel, mon ami, puisque vous souhaitez que nous vivions dans la même pensée ?… Je ne fais que répéter vos paroles…

» Vous voyez que je suis en confiance avec vous, et que cette confiance, encore un peu surprise et tremblante, s’enhardit dans chaque lettre, de chaque jour… Il m’est venu des scrupules, depuis ces deux semaines que nous sommes séparés : j’ai songé que vous me connaissiez trop peu, par ma faute, et que votre incomparable amitié méritait que j’y répondisse par une entière et simple franchise de cœur. Mais ne vous récriez pas trop vite, si je vous dis, pour commencer les confidences futures, que vous m’intimidez quelquefois terriblement !… Vous avez une nervosité de geste et de ton qui révèle une âme peu patiente, et votre regard clair n’est pas toujours des plus doux… Et moi, qui suis une personne assez hardie avec les