Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/189

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Vous êtes jaloux de mon fils !… C’est très mal…

— J’adore votre fils, sans le connaître… Mais j’ai une espèce d’appréhension… Eh bien, décidez-vous !

— Non… choisissez pour moi… Quand je suis avec vous, je vous laisse la responsabilité des décisions. Je ne fais pas d’effort de volonté, ça me repose…

Ils étaient assis à une petite table devant le Pavillon Chinois, entre des haies de fusains qui leur faisaient un paravent de verdure.

C’était un matin d’avril, un de ces matins vaporeux où s’attarde encore un peu d’aube. L’air léger baignait de bleu les cimes pressées du Bois, les allées fuyantes. Une pâle lumière dorée, diffuse dans ce bleu aérien, imprégnait les choses, qui semblaient neuves où rajeunies.

Une bouquetière passa : Noël lui fit un signe… Que de violettes il avait données à Josanne, depuis le premier bouquet, dont une fleur, conservée comme un fétiche et un souvenir, parfumait encore une page de Dominique ! Que de violettes pourpres, presque noires, et d’autres presque bleues, et d’autres blanches, nuancées de mauve, qui s’accordaient à la couleur joyeuse ou mélancolique d’un sentiment plus discret que leur parfum !

Il commandait le menu, qu’il voulait amusant, imprévu, pour caresser la gourmandise de la femme… Des choses légères, des choses exquises : la truite rose, le vin blond, les fraises… Mais Josanne ne mangeait guère… Accoudée, elle respirait son bouquet avec un frémissement des narines, un battement des cils, qui révélaient une paresse de femme heureuse… Le blanc pur d’un petit col éclairait sa robe de drap. Elle