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— Juste ! Les Lefebvre sont touchants ! La femme dit : « Mon mari a du génie ; je n’ai que du talent… » Et le mari répond : « C’est moi qui ai le talent, Juliette, un grand talent, je le sais. Mais tu me dépasses, comme je dépasse mes contemporains… « Madame Valentin, je vous en prie, insistez dans votre article ; insistez sur ce détail essentiel que Juliette me dépasse…

— Oui, je me rappelle ce mot… La femme de génie se porte beaucoup, cette année…

— Vous m’avez répondu : « Ça doit être épouvantable d’être le Roméo de cette Juliette !… L’amour conjugal est à la mode dans le monde littéraire, mais les pauvres romanciers ne seront plus jamais tranquilles ! Leurs épouses, de gré ou de force, s’associeront à leurs travaux… »

— Eh bien ! cela prouve que je n’ai pas de goût pour le rôle de cornac, de barnum et de prince-consort.

— Cela prouve que vous avez un reste de préjugé contre les intellectuelles, oui, vous, Noël Delysle, vous !… Au fond, cela vous agace de voir des femmes travailler, faire, mieux que les hommes, des métiers d’homme… De même, vous vous croyez démocrate et vous êtes rempli de répugnances et de préventions aristocratiques…

— Moi ?

— Vous !

— Je suis la simplicité même : un Spartiate !…

— Allons donc !… Chez Mariette, le premier soir, en lisant les prix marqués sur la carte, vous avez dit : « C’est vraiment bon marché… » et vous pensiez : « Ça doit être horrible !… » Avouez-le…