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transformer. La Tourette, saisie d’admiration, devant un monsieur « si tellement bien », se fit aussitôt des idées sur les agréments du veuvage, et dans son âme simple, elle approuva cette chère dame Josanne qui avait eu bien du mérite et qui maintenant avait bien du bonheur.

— Votre cuisinière est un peu étrange, dit Noël. Elle a des sourires complices et des regards encourageants. Et quel accueil elle m’a fait ! Ce n’est pas une cuisinière, c’est une mère.

Josanne raconta l’histoire de la Tourette.

— Elle n’est pas décorative, mais elle est dévouée !… Et si drôle !… Je vous assure que la psychologie de la Tourette m’intéresse infiniment. Elle a une conception des droits et des devoirs féminins qui fait penser à la morale des sauvages…

— Comment cela ?

— La Tourette a le respect de l’homme fort. Quand elle dit : « Un Tel est un bon mari… », cela ne signifie pas qu’Un Tel ait des sentiments délicats et le cœur tendre. Un bon mari, c’est le garçon travailleur, sérieux, qui ne boit pas plus que son compte et rapporte tous les samedis sa paie à la maison. Sa femme ne « manque de rien », entendez qu’il lui donne la pâtée, les nippes et le reste, et même, au besoin, des claques, qu’elle reçoit sans humiliation et sans rancune comme un témoignage de la force mâle…

— Qui aime bien châtie bien.

— La Tourette, indulgente aux filles qui fautent ou aux ménages irréguliers, est impitoyable pour la femme qui a « un bon mari » et qui le trompe.

— Mais une femme peut être très malheureuse avec