Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/181

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Elle pleura presque en revoyant madame et en parlant de « pauvre défunt monsieur ». La distance de la rue Mouffetard au quai des Augustins ne refroidit pas son zèle, et les accords furent vite conclus.

Le lendemain, tout en frottant les meubles, dans le logement bouleversé, la Tourette informa Josanne que « la concierge de la rue Amyot avait eu un troisième gosse », que « le boucher avait fermé boutique », et que la crémière blonde, la boiteuse, « allait avec son propriétaire », un monsieur cossu, « ce qui faisait parler le monde, vu que c’était dégoûtant… » La crémière avait « de quoi » et ne méritait pas l’indulgence qu’on doit aux pauvres malheureuses. Et puis le « crémier était bel homme et solide, et sa femme, pour sûr, ne manquait de rien. Alors ?… Que cherchait-elle ailleurs, la blonde ?… » Le mari « ne savait rien de rien, mais, le jour où il saurait, quelle raclée pour son épouse !… Et cela ferait plaisir à toute la rue Mouffetard, vu que cette crémière était la honte du quartier et qu’elle déshonorait le mariage… » Tandis qu’Ernestine, la petite amie au typo, donnait l’exemple de la fidélité amoureuse, sinon conjugale…

— Et pourtant, ma chère dame, si Ernestine se laissait aller, ça serait-il point pardonnable, vu qu’elle est jeune et bien bâtie, et qu’elle n’a pas du sang de navet sous la peau ?… Et son homme, avec c’te maladie qu’il a, depuis deux ans, il n’la réveille plus que pour lui demander des remèdes…

Josanne écoutait ces propos inspirés par la morale pratique du peuple, quand Noël Delysle arriva. Il n’était pas gai. Il avait déjeuné tout seul, chez Mariette, et il voyait sans plaisir la vie de son amie se