Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/180

Cette page a été validée par deux contributeurs.

sa mémoire, à des mots, à des gestes de Noël, et parfois elle reproduisait des expressions, des intonations qu’il avait eues.

Elle vivait ainsi dans l’atmosphère qu’il créait autour d’elle, et, par des modifications inconscientes, elle s’adaptait à des idées, à des goûts nouveaux. Convalescente du passé, elle en gardait un endolorissement vague, mais son cœur et sa chair étaient paisibles, — et les jours légers, les calmes nuits passaient sur elle sans qu’elle les sentît passer.

Maintenant les yeux clairs de Noël n’effrayaient plus Josanne. Elle éprouvait, près de cet homme, un sentiment inconnu de sécurité, de confiance. Elle aimait à lui demander conseil ; elle eût aimé à lui demander protection. Tous les êtres qu’elle avait chéris avaient appuyé leur âme à son âme ; pour la première fois, l’âme de Josanne retrouvait l’instinct féminin de s’appuyer.

Le printemps vint, ciels gris et bleus, nuages d’argent, pluies tièdes, le printemps humide et vert, échappé des bois, qui sent la jacinthe et le narcisse.

Le temps approchait où Josanne devait reprendre son fils. Elle se mit en quête d’une domestique qui pût tenir son petit ménage, soigner Claude, le promener, le conduire et l’aller chercher à la plus voisine école maternelle, et rester la nuit, en cas de besoin, sur un lit pliant, dans le cabinet de toilette.

Après des recherches décourageantes, Josanne se ressouvint de la Tourette, dont elle avait mesuré naguère la probité parfaite et le dévouement. La brave femme, prévenue, arriva un dimanche, coiffée d’une capote à plume et parée d’une cravate bleu de ciel.