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— Josanne, mon petit chat…

La soiriste resta figée. Avec l’or artificiel de ses cheveux, le tulle pailleté de sa robe, elle semblait une commère de Revue qui aurait allongé sa jupe et oublié son chapeau.

— Tiens ! Delysle !… Bougez pas ! Vous êtes tout plein gentils comme ça, mes enfants…

— J’ai prié monsieur Delysle de me traduire une page du Weekly.

— Et moi, je suis très fier de collaborer au Monde féminin

— Parbleu ! dit Flory gaiement. Laquelle d’entre nous n’a pas son petit collaborateur ?… Moi j’en ai bien une demi-douzaine, toujours disponibles, pleins de zèle et parfois désintéressés… Ce sont mes nègres !… Je les envoie en mon lieu et place, dans les endroits lointains, sinistres, comme l’Odéon ou Déjazet… « Va bon nègre ! » Et bon nègre, bien content, remercier moi.

Elle abaissa les coins de sa bouche, et prit le ton zézayant d’un bébé :

— Moi bien triste, ce soir ! moi du chagrin ! Pas reçu mon service pour le Vaudeville…

Et tout à coup, fronçant les sourcils, avançant le menton, sa petite face de poupée devenue rageuse et cynique, d’un accent voyou, elle déclara :

— C’est la rosse de patronne qui me l’a « fait », mon service… Sa loge ne lui suffit pas ; il lui faut mes fauteuils. Et pour qui ?… Pour son gigolo… Et moi, je m’arrange comme je peux, avec le contrôleur et le secrétaire… Ah ! j’en ai soupé, du Monde féminin. Mais quoi ! il faut vivre…