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Au lieu de remuer la cendre tiède du souvenir, elle regardait la petite lumière d’un sentiment inconnu s’allumer, discrète et pure…

Souvent, au lendemain de ces soirées, elle recevait une lettre de Noël… Ils avaient donc pensé l’un à l’autre, au même instant !… Il lui envoya, un jour, le menu d’un banquet officiel, un carton blanc et or, où il avait griffonné quelques mots au crayon :

« Bonsoir, madame et amie… Je subis un discours politique… J’aimerais mieux être près de vous, et je vois votre petit bureau comme une oasis délicieuse… À demain… »

Souvent, Josanne avait un brusque désir d’écrire, elle aussi, — par besoin d’expansion et de confidences, pour renouer le fil d’un entretien interrompu. — Elle commençait une lettre : « Cher monsieur… » Non !… elle n’aimait pas cette formule… « Cher monsieur et ami… » Non !… Elle aurait voulu écrire, tout simplement : « Mon ami… », et elle n’osait pas… Alors, elle supprimait l’apostrophe du début, — ce qui ne la compromettait pas beaucoup, car elle n’envoyait jamais ces sortes de lettres…

Et, deux ou trois fois par semaine, elle revoyait Noël. Quel charme attirait donc le jeune homme vers une femme de beauté modeste et d’humble condition, souvent triste, et toujours un peu mystérieuse ? Il ne lui faisait pas la cour. Il ne lui disait pas qu’elle était jolie, désirable et spirituelle. Mais il était passionnément curieux d’elle, de son caractère, de ses goûts, de sa vie présente et passée — et cette curiosité semblait vraiment une forme d’affection, le mouvement naturel d’une âme vers une autre âme.