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C’était l’heure où Noël Delysle venait, — quand il venait, — tous les deux ou trois jours, depuis un mois… Il avait, d’abord, justifié ses visites par des prétextes qui ne trompaient pas Josanne. Maintenant il ne cherchait plus de prétextes ; il arrivait, tout simplement, comme un ami :

— Je ne veux pas vous déranger… Cinq minutes, cinq petites minutes…

— Dix, vingt, si vous voulez attendre. J’ai presque fini…

Il s’asseyait, à sa place accoutumée. Parfois, il se levait pour prendre un livre, un journal. Debout derrière Josanne, il la dominait de sa haute taille, et son clair regard s’adoucissait en effleurant la tête brune, le col penché, la courbe des épaules, le buste souple dans la robe de deuil.

Josanne sentait ce regard sur elle — et elle disait, avec un petit frisson d’agacement :

— Que faites-vous là ? Je vous en prie, asseyez-vous. Je ne peux pas travailler quand on me regarde.

— Pardonnez-moi, madame…

Elle se reprochait d’avoir parlé trop sèchement, car elle savait Noël très susceptible, très attentif aux moindres nuances de son accueil. Alors, posant sa plume elle l’appelait :

— Monsieur Delysle ?

— Madame ?

— J’ai fini. Causons. Racontez-moi…

— Quoi ?

— Des choses…

Et il racontait « des choses », parlant de ses amis, de ses livres préférés, de ses voyages, de l’Italie surtout, qu’il