Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/146

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Pardon ! depuis le mois d’octobre : six mois.

— Il y a un an que j’ai lu la Travailleuse.

— Il y a six mois que j’ai lu votre article. N’importe ! Six mois, c’est beaucoup…

— Oui, beaucoup…

— Mais si j’étais resté à Paris, je pourrais vous connaître depuis un an… Que de temps perdu ! Je ne m’en consolerais pas, si l’avenir… car… peut-être…

Il s’embarrassait dans des formules de regret courtois. Et, tout à coup, il avoua :

— Madame, j’aime mieux vous le dire : je suis très intimidé…

— Mais, monsieur…

— Ça me paraissait tout simple de venir, de vous parler… Et voilà ! Je suis intimidé ! Je suis gauche et ridicule… J’ai envie de vous remercier, de m’excuser, de m’en aller… Une autre fois j’aurai plus de chance et vous aurez une meilleure opinion de moi.

Josanne rit, d’un rire gai, qui lui fit un visage enfantin.

— Eh bien, monsieur, je vais vous rassurer : asseyez-vous d’abord… là !… Moi aussi, je suis intimidée… horriblement… N’est-ce pas, quand on se connaît sans se connaître…

— On se crée des images…

— Qui ne ressemblent pas à la réalité !…

— Pas du tout…

Il rit, comme elle, et ni l’un ni l’autre n’osa dire quelle image il s’était faite « qui ne ressemblait pas à la réalité ! »

Josanne s’assit à sa table, prit à pleines mains des