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Josanne embrassa mademoiselle Bon :

— Ah ! mademoiselle, cela me fait du bien, de vous entendre…

— Et cela me fait plaisir, à moi, de vous réconforter.

La vieille fille tourna un bouton électrique, et, dans la vive lumière blanche, elle observa le visage amaigri, les yeux cernés, la bouche triste de Josanne. Une pensée naissait dans son esprit, qu’elle n’osait formuler.

— Je suis sûre que vous mangez n’importe quoi, à n’importe quelle heure, et que vous restez chez vous, à rêvasser… Je n’aime pas cela… Votre petit garçon va bien ?

— Très bien.

— Il faudra le reprendre.

— Oui… bientôt… Il aura cinq ans au mois d’avril … Je pourrai l’envoyer à l’école… Il me faudra une domestique, au moins quelques heures par jour… Cela coûte cher, et je dois de l’argent à ma tante Miracle… Elle n’est pas riche, et elle m’a généreusement prêté une assez grosse somme quand je me suis réinstallée à Paris. Alors je fais des économies, j’attends…

— Tâchez de vous distraire… Venez aux réunions de la Fraternité.

Josanne n’était pas très enthousiaste de la Fraternité féminine, petite association féministe, socialiste et révolutionnaire, où de grosses dames moustachues et de maigres illuminées s’appelaient héroïquement « citoyennes » et votaient des ordres du jour flétrissant le parlement bourgeois.

Elle répondit :

— Je n’ai pas le temps… Je lis, j’essaie de m’ins-