Page:Tinayre - La Rebelle.djvu/130

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et Maurice, troublé comme elle, contemplait Josanne avec ses yeux d’autrefois… Confondu, plein de honte et de reconnaissance, il aurait voulu la tutoyer, se rapprocher d’elle, un peu, si peu que ce fût…

Il n’osait.

Pourtant il tendit sa main, et Josanne tendit la sienne. Ils se regardèrent, enfin… Lui n’avait pas changé, mais elle !… Comme elle était pâlotte et maigrie ! Et sur elle, et en elle, quel deuil !

Il se rappela des gestes d’elle, sa vivacité, sa langueur, son joli rire, la flamme de sa bouche, la fraîcheur de son corps. Elle avait été l’amante de sa jeunesse, la première et la seule femme qu’il eût possédée dans l’amour. Et il la sentit presque sienne encore, liée à lui par les souvenirs communs, par l’enfant commun… Et il désira, violemment, que le lien secret ne pût se rompre, que Josanne ne pût l’oublier tout à fait, même… même aux bras d’un autre…

Intolérable pensée ! intolérable vision !… Une jalousie toute nouvelle tenailla le cœur de Maurice. Il lâcha la main de Josanne. Il dit, comme s’il avait eu le droit d’interroger :

— Comment vivez-vous ? Qu’allez-vous faire ?…

— Je suis seule… Je gagne ma vie… un peu mieux qu’autrefois…

— Seule ? Mais… mais alors…

Il éprouvait une répugnance à parler de l’enfant, — lui qui attendait un autre enfant, officiel et légitime, dont il avait, par avance, la fierté. — Comment exprimer une tendresse paternelle qu’il ne ressentait guère, et, d’autre part, comment ne pas parler de