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« D’où vient-elle ?… Elle n’est pas de ce monde-là… » Après le dîner, il interrogea madame Grancher. La bonne dame haussa les épaules :

— Vous la trouvez spirituelle ?… Je ne croyais pas… Ce n’est pas précisément une amie, c’est la maîtresse de piano de ma fille, Josanne Valentin…

— Josanne ?

— Un nom ridicule, n’est-ce pas ?… Son père s’appelait José… José Daniel… C’était une espèce de journaliste qui est mort en laissant sa femme dans la misère… Une bien brave femme !… La petite devait entrer à l’école de Sèvres ; elle faisait des études pour cela… Mais le chimiste de l’usine Malivois s’est toqué d’elle, et il l’a épousée.

Maurice cherchait des yeux le chimiste de l’usine Malivois. Madame Grancher déclara :

— Une fière bêtise qu’ils ont faite !… Josanne n’avait pas le sou et Pierre Valentin pas de santé… Il a une terrible maladie d’estomac depuis trois ans. Et, l’an dernier, il est devenu neurasthénique ; il perd la mémoire, il ne sait plus ce qu’il veut ; il a pris tout le monde en grippe… Et ça ne serait rien, s’il pouvait travailler, mais il ne peut plus…

— Alors ?…

— Alors, c’est la misère, ou peu s’en faut. Et Josanne tâche de gagner sa vie… Je l’ai prise comme professeur pour Madeleine, mais, n’est-ce pas ? elle ne vaut pas une ancienne élève du Conservatoire. Elle tapote, voilà tout !… Je la garderai encore un an… Il faut bien faire quelque chose pour les autres… Elle n’est pas mal, cette petite ! Je l’invite quand il y a du