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Il protesta :

— Je vous ai aimée, passionnément…

— Allons, si vous êtes sincère, à cette heure, épargnez-vous, épargnez-moi cette vaine justification. Je ne vous reproche rien. Vous avez des préjugés ; vous êtes un peu lâche. La morale courante vous justifie : la morale est pour vous, contre moi. Votre conscience vous commandait de m’abandonner, avec notre enfant ? C’est possible ! Mais pourquoi donc avez-vous des remords ? Que faites-vous ici ? Cela m’étonne.

Il ne répondit pas directement. Il répéta que des scrupules personnels et le chagrin de sa pauvre mère l’avaient décidé à la rupture sans qu’il cessât d’aimer Josanne. L’effroi de la solitude stérile l’avait conduit au mariage, et, quand il avait appris la mort de Valentin, il était déjà fiancé.

— Devais-je reprendre ma parole ?… Oui, peut-être… Mais je croyais… j’étais sûr que vous ne me pardonneriez pas ma défection… que vous me détestiez… Et puis, cette jeune fille qui avait confiance en moi, cette famille qui m’accueillait… J’ai été faible, je l’avoue… Et cependant, je ne crois pas être un malhonnête homme… Mais je comprends tout de même votre indignation… J’aurais dû vous écrire… Vous auriez compris mes sentiments…

Il essayait d’être loyal, mais les mots disaient trop ou trop peu. L’habitude de l’atermoiement, du détour gênait sa volonté réelle de sincérité. Il cherchait malgré lui les phrases prudentes qui ne le compromettaient pas. Et il souffrait de ne pas oser l’expression exacte et véridique, de ne pas trouver l’accent qui convainc. Il essayait d’expier sa faute en l’avouant, — et il se