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voir sa tante et son fils. Claude n’était plus son Claude, à elle : c’était l’enfant de Maurice. Josanne découvrait en lui des traits, des nuances de physionomie qu’elle n’avait jamais remarqués et que son imagination malade créait peut-être… Elle se rappelait cette « madame Neuf » à qui la maternité ne suffisait pas. « Moi aussi, égoïstement, j’ai besoin qu’on m’aime… » Claude, séparé d’elle, l’oubliait…

L’emmener ?… Elle ne pouvait pas. L’argent lui manquait encore pour payer une domestique, et l’enfant, trop petit, ne pouvait aller à l’école ni rester seul au logis. À Chartres, il était heureux, il prospérait, sous l’aile de mademoiselle Miracle. Josanne revint à Paris, découragée, désespérée, et, pendant une semaine, l’obsession la harcela : elle voyait partout l’ancien amant, — dans la rue, dans les omnibus, chez Mariette…

Un soir, en quittant le Monde féminin, elle crut reconnaître Maurice, qui la suivait. Elle l’apercevait par moments, et elle se disait :

« Je suis folle… Voilà que j’ai des hallucinations, maintenant !… »

Mais, dans la cour du Carrousel, elle le sentit si proche qu’elle se prit à trembler toute et que ses genoux défaillaient. Il la joignit, l’arrêta : c’était bien lui… Il suppliait :

— Josanne, il faut que je vous parle !… Josanne !…

— Non, allez-vous-en !

Des passants se retournèrent. Alors elle se remit à marcher, et Maurice marcha près d’elle. Ils regardaient devant eux, n’osant pas confronter leurs angoisses.