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« Ce sont mes étrennes… J’ai tout de même des étrennes !… »

Un involontaire sourire éclaira son visage encore en pleurs… Ainsi, pour la troisième fois, à des heures de sa vie où elle sentait plus cruellement la solitude et l’abandon, un réconfort lui venait de cet inconnu, de ce Noël Delysle : le livre lu, sous l’Odéon… la lettre reçue à Chartres… ces fleurs…

Elle regarda la carte, l’adresse, la formule banale et courtoise, — et elle regretta que M. Delysle n’eût pas écrit… Deux fois, depuis qu’elle était à Paris, elle avait reçu de Venise, de Rome, des lettres courtes et jolies, qu’elle conservait.

« Je les mettrai dans la boîte en sparterie, pensa-t-elle, et toutes celles qu’il m’écrira… s’il m’écrit encore… C’est gentil, cette correspondance… »

Elle commença de se déshabiller. Toutes les cinq minutes, elle allait admirer les camélias, et sur ces fleurs sans parfum, elle respirait l’odeur lointaine, l’enchantement de l’Italie.

Assommée de fatigue, elle s’endormit, rêva que mademoiselle Bon épousait M. Bonnafous et que « madame Neuf » s’était jetée dans la Seine près du viaduc du Point-du-Jour…

Le lendemain, elle envoya un billet de remerciement à M. Delysle, écrivit son article sur la Villa Bleue et tâcha de secouer sa tristesse. Mais son âme demeurait ébranlée ; elle ne se défendait plus contre l’assaut des souvenirs. Elle éprouva toutes les rages, toutes les jalousies, toutes les lâchetés, et ce furent des jours terribles.

Vainement elle crut se fortifier en allant à Chartres