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casse… Et chacun s’en va de son côté : bonsoir ! la vie continue…

Voilà donc la femme de Maurice : cette fillette rieuse et boudeuse qui bâille derrière son gant clair. Elle aime bien son mari, et lui l’aime bien… C’est l’ordinaire « gentil ménage ». Elle sait que Maurice a eu des aventures, autrefois, comme tous les jeunes gens… Elle n’en souffre pas ; elle n’y pense pas. On lui a dit que « ça n’avait pas d’importance »… C’est fini. Ce n’était rien. Elle est bien sûre que son mari n’a pas de secret pour elle.

« J’étais comme elle quand j’épousai Pierre, pense Josanne. Les jeunes filles ne savent rien de leur mari… Et celle-là, qui me regarde, elle ne sent donc pas ce que je suis, d’instinct !… »

Non, madame Nattier ne sent rien : l’instinct ne l’avertit pas ; aucun pressentiment ne l’effleure devant cette femme inconnue qu’elle regarde, une seconde, sans la voir. Ses yeux encore enfantins, brouillés de sommeil, deviennent vagues… C’est Maurice qui fait un mouvement, sous l’attirance magnétique de Josanne. Leurs regards se heurtent : ils éprouvent un choc physique. Le jeune homme pâlit… Puis, correctement, discrètement, il soulève son chapeau, salue…

C’est tout. Le bateau s’arrête. Josanne quitte sa place, sans précipitation. Mais dans l’escalier, sur le pont, sur le quai, elle se hâte, elle fuit, loin de cet homme…

Oh ! ne le revoir jamais !… jamais !…