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grande honte… Et, surtout, vous avez peur de ce petit qui va venir… Il vit dans votre sein, mais pas encore dans votre cœur… Vous ne pouvez pas encore l’aimer…

— C’est vrai, madame… Oh ! madame…

— Ne cachez pas votre figure… Je vous parle tout doucement… Il ne faut pas avoir honte, vous ne devez pas avoir honte… Ce n’est pas une honte que d’aimer, même quand on se trompe ; ce n’est pas une honte d’avoir un enfant hors du mariage… La honte, c’est de le renier, cet enfant, de l’abandonner… La honte, elle est pour l’homme, pour le père…

La chanteuse soupirait :

    Je veux t’offrir, ô ma maîtresse…

Dehors, la nuit était venue. Un tramway gronda, roula tous les bruits dans son tonnerre, qui s’accrut, diminua, se perdit…

Les femmes, en cœur, reprenaient :

    Ô ma maîtresse…

— L’enfant ! disait Josanne, à celui-là on donne tout sans demander rien… L’enfant, c’est notre orgueil, notre gloire, notre revanche… Il peut nous consoler de l’amour…

Madame Neuf baissa la tête, et, pleurante :

— C’est trop p’tiot ! dit-elle ; ça se laisse aimer… Et moi, j’ai besoin qu’on m’aime…