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— Non, j’veux pas de brioche…

— Un petit gâteau ?…

— …C’est un dégoût que j’ai eu pour le jambon… Alors, vous savez, les sanviches

— Vrai, c’est une noce, aujourd’hui !…

Josanne, dans un coin, prenait des notes.

Soudain elle sentit bouger sa chaise : quelqu’un s’appuyait au dossier. Une voix balbutiait, anxieuse :

— Madame… Oh ! madame, je vous en prie… Parlez pas d’moi.

C’était « madame Neuf » qui suppliait. — Vingt ans peut-être, une petite figure pâle et tachée de son, des yeux bleus, des cheveux couleur de cendre.

— Parler de vous ? et pourquoi, ma pauvre fille ?… Je ne vous connais pas, et quand bien même je vous connaîtrais…

— C’est que… on m’avait dit : « Faut se méfier des journalistes… » Une amie que j’avais dans les temps… elle était à l’hôpital… à Lourcine… Ben ! un journaliste est venu, rapport à une inauguration… Il lui a causé… Il avait l’air bien convenable… Ben ! après, il a mis son nom dans le journal : « Ernestine… » Vous savez, ça ne fait pas plaisir…

— Soyez tranquille. Je ne parlerai même pas de madame Neuf.

— Oh ! vous êtes gentille !

Josanne sourit à cette louange naïve.

— Moi aussi, dit-elle, j’ai un petit enfant… Et, parce que je suis mère, je comprends les peines, toutes les peines des autres femmes. Je les plains toutes. Je n’écrirai jamais un mot qui puisse les humilier… Au contraire !…