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aveugle fureur sensuelle, et cependant elle ne pouvait évoquer le visage de Maurice sans un tressaillement de tout son être, un brisement des genoux, un coup au cœur.

« Ah ! mademoiselle Bon disait vrai : nous gardons toutes le pli de la servitude, le besoin d’aimer, de souffrir pour celui que nous aimons ; le besoin d’obéir ; le besoin de pardonner… Nous avons toutes, tant que nous aimons, la même lâche indulgence… »

Elle considérait les corps alourdis sous le caraco brun, les figures fanées sous le bonnet blanc ; — et elle se sentait tout près des malheureuses qui étaient là, — leur sœur en souffrance, en honte, en faiblesse, une pauvre femme…

Une pitié lui venait pour elle-même, et pour celles-ci, et pour toutes les femmes qui enfantent dans la douleur, et dont le grand cri maternel, à toute heure de jour et de nuit, vibre par le monde…

L’escamoteur jonglait maintenant. Il déployait des éventails ; il allumait des bougies… Les spectatrices riaient. Quelques-unes, à la dérobée, examinaient la dame du journal, si blanche sous sa toque noire…

M. Bonnafous termina enfin ses gesticulations. Il sourit, salua, et sembla s’escamoter lui-même… Des regards le cherchaient… N’allait-il pas revenir ?… Non. Il était parti, évanoui comme un beau rêve.

Lasses de leur immobilité, les femmes se levèrent, entourèrent mademoiselle Bon et madame Platel. Des surveillantes apportaient des corbeilles de gâteaux et d’oranges. Sur une table, au fond de la salle, le thé et le chocolat fumaient dans les bols.

— Madame Cinq !… Madame Vingt-deux !… Par ici !…