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et sa grossesse, avancée déjà, la faisait paraître difforme.

— Elle a pas voulu qu’on la tire en photographie !… Elle dit qu’elle veut remonter, que la fête, ça l’amuse pas…

Une des femmes se mit à rire. Une autre murmura :

— En v’là des manières !… T’as pas fini ?…

— Chut ! dit madame Platel, madame Neuf fera comme il lui plaira… Mais je vois monsieur Bonnafous qui arrive… Il est dans le jardin… Allons, mesdames, un peu de silence ! monsieur Bonnafous est une célébrité… Il a fait des tours devant la reine Victoria, devant le Pape !… Oui, mesdames, il a fait rire le Pape !… Tenez-vous convenablement… Vous ne voudriez point offenser monsieur Bonnafous par votre bavardage…

Elle débitait ce petit discours d’un ton plaisant et doux, sans que changeât l’expression de ses yeux tristes, et elle allait, de droite à gauche, imposant l’ordre et le silence. Les femmes frémirent de plaisir quand, sur l’estrade improvisée, parut M. Bonnafous, léger comme un maître de danse, la moustache cirée, l’œil câlin.

Il était en frac. Il ressemblait aux messieurs des gravures de mode. Sa voix était suave, ses mains blanches. Il annonçait :

— Suivez-moi bien, mesdames !… suivez-moi bien !… Je prends la boule d’une main, comme ceci… Et, de l’autre main, je prends mon chapeau. Vous me suivez, mesdames ?

Elles le suivaient : — il était si beau !… — Les boules passaient, les cartes filaient : et du chapeau